La pyrale du buis

Cydalima perspectalis
Commune de Choranche, en Isère


Choranche est une commune de 126 habitants située à proximité du Parc Naturel du Vercors. Ce village se trouve à 300 mètres d'altitude, et la commune oscille entre 200 et 1200 mètres. Choranche regroupe aussi quelques apiculteurs et a une concentration en buis à hauteur de 80%.
Lors de notre visite à Choranche le 27 février 2017, nous avons pu rencontrer Madame Le Maire, Geneviève MOREAU-GLÉNAT (maire depuis juillet 2016) et Yves DETURIN (adjoint au maire). Ils ont pu nous expliquer l'histoire de Choranche face à la pyrale du buis, les démarches des choranchois face à ce fléau et le fruit de leurs actions.
Nous pouvons retrouver le phénomène qui s’est produit à Choranche dans plusieurs journaux et sites, tel que dans « Le Dauphiné Libéré », « Rustica », « Les terres dauphinoises » et « Le Mémorial de l'Isère ». C'est d'ailleurs par ce biais que nous avons été informés sur la situation de cette commune, et que nous nous y sommes rendus par la suite.

I) Les débuts de la pyrale du buis dans Choranche
L'histoire de la pyrale du buis a débuté en juillet 2016, période où les choranchois ont remarqué la présence de quelques papillons, mais sans plus. Fin août, à la nuit tombée, les habitants ne « pouvaient plus manger dehors ». Ne connaissant pas ce papillon, ils ont commencé à se renseigner sur internet et ont découvert que cette espèce se nourrissait de buis. Rapidement, Choranche est devenu le « garde manger » car il s'agit d'une zone très boisée en buis. Ces arbustes sont « l’ADN du village » annonce Madame Le Maire. « Ils séparent les propriétés, bordent les chemins et empêchent le sol de bouger ».
L’état des buis inquiétait les habitants. Mais en faisant des recherches, ils ont découvert qu’il s’était déjà passé la même chose en Alsace auparavant. Suite à cela, Madame Le Maire consulte le blog d’un spécialiste sur la pyrale du buis. Elle contacte également l’ONF (Office Nationale des Forêts) et l’INRA (Institut National de la Recherches Agronomique) pour obtenir des conseils et un plan d'actions. Madame Le Maire décide de faire remonter la situation à tous les pouvoirs publics, comme le député ou le sénateur, et prend rendez-vous avec le Parc du Vercors, ce qui n’a pas été très fructueux.
II) La lutte des choranchois

Avec les renseignements récoltés, les habitants décident d’agir en installant des pièges à phéromones afin d’éviter les reproductions. Mais les pièges ne sont pas assez efficaces par rapport au nombre de papillons présents, et la commune
constate qu’elle aurait dû lutter beaucoup plus tôt, si elle l'avait
su.... En plus de ces pièges, les habitants mettent en place de
nombreux montages artisanaux comme des bassines remplies
d’eau savonneuse éclairées.
Cette fois-ci, ils parviennent à capturer 50 kg de papillons
mouillés par jour, soit 150 000 papillons par jour ! Ils essayent
aussi de les capturer avec des aspirateurs industriels. Certains
habitants constatent que la chauve-souris, un prédateur naturel
de la pyrale, ne sort plus parce qu'il y a des nuées de papillons
ou alors parce que celle-ci n'a plus faim.
Quelques temps plus tard, les choranchois découvrent que les buis du château de Vizille (situé vers Grenoble) n’ont pas été attaqués. Les buis y étaient traités depuis longtemps ; le produit utilisé est le Bacillus Thuringiensis. Il s'agit d'un produit biologique, mais celui-ci peut être néfaste pour les abeilles. Or, il y a beaucoup d’apiculteurs à Choranche. Madamme Le Maire contacte donc l’INRA qui lui dit que le risque sur les abeilles est très faible. La commune sait qu’elle ne pourra pas sauver tous les buis car le temps nécessaire à la pulvérisation est trop important et que cela serait trop coûteux.
Choranche décide donc de sauver les buis communaux centenaires et les buis privés situés dans le village. Ce sont les habitants qui ont poussé la démarche et la mairie les a
accompagnés. La mairie a donc centralisé les actions d'une pulvérisation collective. De plus, les habitants aussi ont pu payer pour se faire pulvériser leurs buis. L’INRA leur apprend aussi qu’il n’y aura besoin que d'une pulvérisation cette année, car en septembre on arrive à la derinère génération de pyrale de l'année.
Le jour J, les buis du village ont été pulvérisés avec le BT par un
camion pulvérisateur. Cette manœuvre a tout de même
pris 8 heures, et s'est réalisée en deux fois à la nuit tombée pour ne
pas déranger les abeilles et les habitants. Certaines zones
inaccessibles en camion ont dû être traitées à dos d’homme avec une
perche. Madame Le Maire a mis en place un arrêté municipal pour
interdire la circulation et interdire la proximité du camion. De plus, des
précautions devaient être respectées : le vent devait être inférieur
à 10 Km, la température devait être comprise entre 20 et
24°C et les agents communaux devaient porter des masques de
protection, même dans le camion.
Suite à la mobilisation et à l'inquiétude des choranchois, des réunions
d'informations se sont mises en place avec les différents partenaires.
Les vertacomicoriens y ont compris que la lutte contre la pyrale
du buis n’était pas finie.



III) L'avenir de la pyrale du buis à Choranche
Si les températures printanières continuent de croitre, la pyrale va se réveiller encore plus tôt que l’année précédente. Madame Le Maire a déjà demandé un devis pour obtenir des pièges à phéromones. C’est un bon plan, mais malheureusement, ceux-ci coûtent cher. La commune a aussi mis en place des sentinelles (personnes qui surveillent l'avancée de la pyrale dans les montagnes choranchoises), afin de détecter les premiers signes de celle-ci.
La commune souhaiterait retraiter au Bacillus Thuringiensis, mais elle ne sait pas quand le faire. Elle veut donc mettre en place un calendrier avec l’aide du spécialiste de la pyrale de l'INRA, afin de réaliser un plan d’attaque. Madame Le Maire a également contacté Ségolène Royal (ministre de l’environnement) et Stéphane Le Foll (ministre de l’agriculture et des forêts), mais le buis n’étant pas une espèce protégée et la pyrale n’étant pas une espèce nuisible, ils ne peuvent pas agir contre celle-ci. Les voisins de Choranche n’ont pas souhaité suivre les Choranchois dans leur démarche, malgré de nombreuses pertes de buis de leur côté.
Depuis 1 ou 2 mois, les buis de la commune de Choranche (les
traités et les non-traités) deviennent gris et les feuilles tombent.
On peut donc se demander si le traitement de BT a été réellement
nécessaire. Les buis près des ruisseaux ont été plus attaqués que
les buis bordant le chemins puisque la pyrale est attirée par l’eau.
Certain buis non traité semblent morts, et on ne sait pas si ils
vont repartir.
La deuxième année les chenilles et les papillons seront moins gros, car ils auront moins à manger. La commune de Choranche s'étend jusqu'à 900 mètres d’altitude, et le problème s'élèvera sans doute aux alentours des 1 000 mètres, vers Vassieux en Vercors, puisque s’il n’y a plus rien à manger à Choranche, la pyrale ira plus loin si elle arrive à s’adapter aux conditions climatiques d'une altitude supérieure.
La commune n’a pas remarqué la présence d’œufs, et pourtant, des chenilles ont été trouvées dans leur cocon, le jour de notre visite.
En bref, la commune de Choranche est sans doute confrontée au problème écologique le plus important auquel elle n'a jamais eu à faire face. Si elle ne traite pas les buis qu'elle veut absolument garder, la commune les perdra. Choranche donne avant tout l'image d'un village qui se mobilise, prêt à tout pour ne pas perdre une part de son identité.



